Les Cent
Fleurs
Jacques Carelman et l’Oupeinpo
« Que cent
fleurs s’épanouissent ! que cent écoles de pensée surgissent ! »
avait ordonné le Grand Timonier à quelques centaines de millions de Chinois.
Plus modeste, l’Oupeinpo dit aux artistes (nettement moins nombreux que les
Fils du Ciel !) : « Que cent écoles d’art
fleurissent ! »
Ainsi, tel
l’astronome Le Verrier prouvant par la seule puissance de son raisonnement et
de ses calculs, l’existence de la planète Neptune, jusque-là inconnue,
l’Oupeinpo a découvert une centaine d’écoles d’art inédites.
Fait unique dans
l’histoire de l’art, l’Oupeinpo a nommé et décrit les caractéristiques de ces
cent écoles avant qu’elles ne fassent leur apparition !
Lorsqu’on songe
que les dénominations de certaines écoles du passé comme l’impressionnisme, le
fauvisme ou le cubisme sont nées des sarcasmes et des lazzis de leurs
détracteurs ou de la boutade d’un critique, on est frappé par la rigueur
scientifique de l’Oupeinpo qui a abouti, après plus de deux ans de recherches,
à la découverte d’idées artistiques totalement inconnues, et à leur
dénomination parfaite.
La méthode
utilisée pour révéler ce bouquet unique a été la confection d’un tableau de dix
cases sur dix.
Cinq parmi les
principaux éléments constitutifs d’une œuvre d’art plastique : le support,
le matériau, le graphisme, le volume, la couleur, et cinq opérations
mathématiques ou autres choisies parmi une infinité : la symétrie,
l’addition, la soustraction, la tangence, le mouvement, ont été placés à la
suite les uns des autres en abscisse et en ordonnée. Il suffisait alors de lire
la case correspondant au croisement des lignes et des colonnes pour trouver une
école nouvelle rigoureusement nommée, comme par exemple le
chromo-additionnisme, le tango-cinétisme ou le symétro-graphisme (qu’il ne faut
surtout pas confondre avec le grapho-symétrisme !)
La tendance ou
la profession de foi de chaque école est alors limpide : les
chromo-additionnistes additionnent des couleurs, les tango-cinétistes ne rêvent
que de faire mouvoir les tangences, les symétrographistes savent qu’il n’y a
d’art que dans l’acte de dessiner des symétries (tandis que les
grapho-symétristes tiennent pour l’acte de symétriser des graphismes…).
Ces différentes
écoles se sont révélées, comme celles de l’histoire de l’art traditionnelle,
d’un intérêt très variable, tantôt très riches, tantôt franchement banales ou
médiocres, tantôt impossibles ou relevant du pur imaginaire, mais toujours
chargées d’une grande potentialité.